- Daniel Tammet, autiste savant
Daniel Tammet, 28 ans, autiste surdoué
Daniel Tammet dans le jardin de sa maison, qu'il a pu acheter grâce aux ventes de son livre, dans le Kent, comté cossu du sud-est de l'Angleterre. « Je ne calcule pas, je danse avec les nombres », déclare cet autiste. : Ouest-France
Aucun signe de nervosité ne semble percer derrière ses lunettes rondes. Si ce n'est, peut-être, le large sourire qui ne quitte pas son visage ou son empressement à ne pas laisser trop de temps morts s'immiscer dans la conversation... « Je suis comme un cygne », explique dans un français légèrement teinté d'accent britannique ce polyglotte qui parle en tout dix langues, dont l'islandais et le roumain. « D'extérieur, on le voit glisser majestueusement sur un lac, mais sous la surface, ses pattes s'agitent très vite. »
Daniel Tammet souffre du syndrome d'Asperger, une forme relativement modérée d'autisme qui affecte environ 25 personnes sur cent mille dans le monde et se caractérise souvent par une intelligence supérieure à la moyenne. Pour lui, comme pour la plupart des individus qui en sont atteints, discuter n'a rien de naturel. Il faut veiller à écouter son interlocuteur, à le regarder dans les yeux, à ne pas s'offusquer quand celui ou celle-ci l'interrompt...Aîné d'une famille très modeste, élevé à Londres par un père ouvrier et une mère secrétaire forcés de quitter leur emploi pour s'occuper à plein temps de leurs neuf enfants, Daniel a très vite ressenti sa « différence ». Petit, il préfère la compagnie des nombres et des livres à celle de ses camarades de classe, passe des heures à la bibliothèque à chercher un ouvrage qui porterait son nom : « Je pensais que chaque livre racontait l'histoire de son auteur et qu'on pouvait découvrir l'avenir de cette personne en le lisant. J'espérais trouver mon nom pour voir si la vie ne serait pas trop difficile pour moi, si j'y étais préparé. C'est une idée très romantique, qui me fait rire un peu maintenant. »« Plus que tout, je voulais être normal », insiste-t-il dans sa biographie, Je suis né un jour bleu, à paraître demain en France. Il l'a écrite il y a deux ans pour témoigner de ses capacités à avoir « une vie heureuse et beaucoup de succès ». Se faire des amis, partir un an enseigner l'anglais à Kaunas en Lituanie, s'installer avec son ami Neil, qu'il a rencontré sur Internet et « encore plus timide que moi, peut-être »... Autant d'étapes difficiles à franchir, même pour une personne douée de facultés impressionnantes : il a mémorisé 22 514 décimales (chiffres après la virgule) du nombre « pi » (le fameux 3,14) en l'espace de trois mois, pour un défi au profit d'une organisation britannique pour les autistes et leurs familles. Est capable de calculer rapidement de tête des opérations aussi compliquées que 37x37x37x37x37 (soit 69 343 957). « Je visualise directement le résultat. C'est comme faire des mathématiques sans y penser. »Son cerveau associe chaque nombre à une couleur, une forme, un état d'esprit. 1 brille d'un blanc éclatant, 89 lui fait penser à la neige qui tombe. Pour partager la tristesse d'un ami, il s'imagine « au creux de la cavité noire d'un 6 ». Il en va de même pour les mots. « Jardin » - en français - lui apparaît comme un terme jaune, avec la « texture de l'herbe fraîchement tondue ». Ladybird (coccinelle), un de ses favoris, est rond, mais « malheureusement pas rouge ». Les scientifiques appellent synesthésie ce trouble sensoriel. Que cette approche particulièrement poétique du langage « puisse intéresser les autres » l'étonne : « Ce sont des images qui me viennent naturellement. »Aujourd'hui, ce passionné d'histoire, maniaque de l'ordre, a trouvé un équilibre entre le monde extérieur, qu'il a toujours considéré comme « bizarre mais beau » et son monde à lui. Grâce à des rituels quotidiens : réveil tardif, 45 g de porridge au petit-déjeuner, du thé consommé régulièrement. « La routine n'est pas une cage pour moi. Je perçois le passage des heures comme une sculpture, chaque jour différente. »Son compagnon crée des programmes informatiques à l'étage ; lui répond au rez-de-chaussée à des e-mails venant d'un peu partout dans le monde, actualise son site - en partie payant - de cours de langues (www.optimnem.co.uk), prépare son prochain livre, sur la foi. Pour montrer qu'un autiste peut parfaitement être chrétien. Comme ressentir des émotions. « Je sais que je peux en avoir de très fortes, mais c'est encore un peu étranger pour moi. » Sauf quand il raconte que la revue américaineBooklist a comparé son style à celui d'Hemingway. Son « whow ! » ne laisse aucun soupçon sur l'authenticité de sa joie. Florence LE MEHAUTÉ. Je suis né un jour bleu, de Daniel Tammet, aux éditions Les arènes (240 p, 21 €).
13 février 2009
Daniel Tammet, autiste savant, tente de percer les mystères du cerveau humain
L'autisme est un spectre large et les individus peuvent être atteints plus ou moins .... les autistes dit de "haut niveau" sont de ce point de vue remarquables ... la plupart du temps ils ne correspondent pas à l'image que l'on se fait de l'autisme (individu replié sur lui-même etc ...). Ils sont précieux car certains d'entre eux comme Temple Grandin ou ici Daniel Tammet sont capables de nous éclairer sur le "fonctionnement" de la personne autiste et sa façon d'appréhender le monde qui l'entoure.
AVIGNON (AFP) — Daniel Tammet, l'un des rares savants autistes capable de mettre en mots ses compétences exceptionnelles tout comme ses difficultés au quotidien, tente de faire avancer les connaissances sur l'autisme et d'expliquer les secrets du cerveau humain.
Aîné d'une famille londonienne modeste de neuf enfants, Daniel Tammet, âgé de 30 ans, s'est fait connaître en 2004 pour avoir énuméré de mémoire et pendant cinq heures, les 22.514 premières décimales du nombre pi (3,1415). Une performance qui a attiré l'attention des neuroscientifiques et fait de son autobiographie un best-seller traduit en 19 langues.
"J'ai tant appris sur mon cerveau que je voulais partager ces découvertes", explique aujourd'hui Daniel Tammet, qui vit à Avignon.
Surdoué des nombres - il les associe à des couleurs et des formes dans des paysages numériques - et des langues - il en parle douze -, il fait partie des 50 autistes "savants" recensés dans le monde.
Pourtant, ses talents ont aussi leurs revers.
"Je me perds très facilement, j'ai toujours besoin d'être accompagné, je ne peux pas conduire parce qu'il m'est très difficile de voir quelque chose dans son ensemble", énonce-t-il.
"J'ai aussi des difficultés à me souvenir des visages", une "tâche cognitive très complexe" que chacun effectue sans s'en rendre compte, sourit-il.
Dans un français coloré d'accent britannique, il raconte ses crises d'épilepsie infantiles, sa scolarisation en école ordinaire, son confortable monde intérieur fait de chiffres et de mots. Un univers devenu étriqué quand, à 9 ans, il découvre le sentiment de solitude. Suivront des années d'efforts pour apprendre la socialisation.
"Toute mon enfance, je me suis battu contre les problèmes que j'avais, j'ai voulu être comme les autres", raconte-t-il.
Au fil des pages de son livre de vulgarisation scientifique intitulé "Embrasser le ciel immense" en référence à un poème d'Emily Dickinson, il donne, études scientifiques à l'appui, des clés pour améliorer sa mémoire, apprendre plus facilement les langues ou comprendre l'essence de la créativité, appelant sans cesse chacun à développer ses instincts et son imagination.
Daniel Tammet y évoque sa rencontre avec Kim Peek, le savant autiste qui a inspiré le personnage interprété par Dustin Hoffman dans Rain Man (1988), un film qui, selon lui, déforme la réalité et est basé sur des impostures scientifiques.
Il critique aussi l'idée que les génies auraient un cerveau-ordinateur "quasi inhumain". "En réalité, le cerveau, les compétences, le talent, le génie sont liés à l'humanité de chacun et à l'amour", dit-il, énigmatique.
"Mozart a fait ce qu'il a fait parce qu'il avait un amour de la musique. Einstein aussi parlait de la beauté de ses équations, moi je ne compresse pas les nombres, je danse avec eux, c'est lié à une sensibilité, si on n'a pas d'amour, on n'a pas de génie", tranche-t-il.
"Il est une parole pour ceux qui ne peuvent pas s'exprimer. Les scientifiques disent de lui qu'il est la pierre de Rosette de l'autisme", s'amuse Jérôme Tabet, son compagnon avec qui il vit à Avignon.
"Du point de vue médical, je serai toujours autiste mais je crois que j'ai vaincu la prison de l'autisme à force de me battre contre mes difficultés", poursuit Daniel.
Et il appelle à soutenir les enfants autistes "parce que ce qu'ils ont à offrir peut enrichir toute l'humanité".
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